Les usages des internautes évoluent vite. Suivre le rythme pour les institutions comme l’Assemblée nationale n’est pas toujours facile car les activités législatives et de contrôle s’inscrivent dans un temps beaucoup plus long que celui du numérique. Alors que NosDeputes.fr s’enrichissait notamment d’alertes e-mail à la rentrée passée, le site officiel du Palais Bourbon se parait d’une nouvelle présentation et d’un site de vidéo à la demande. Ces évolutions semblent n’être que le début d’une réflexion plus large menée par la chambre. En effet, le Bureau de l’Assemblée a chargé un comité baptisé CERESIAN (pour « Comité pour l’Étude et la Réflexion sur l’Évolution du Site Internet de l’Assemblée Nationale » ?) de trouver des pistes afin de répondre au mieux aux nouvelles attentes des internautes.
Ce comité, apparemment constitué d’administrateurs de l’Assemblée et de consultants externes (Tipik et Useo), travaille actuellement sur deux fronts : une approche visant à interroger un maximum d’utilisateurs du site d’un côté, et des auditions pour approfondir les thèmes avec des « personnalités qualifiées » d’autre part. Depuis décembre, l’Assemblée propose ainsi aux utilisateurs de ses services de répondre à une enquête publique en ligne. En parallèle, des contacts ont été pris pour organiser des « tables rondes » : du 11 au 17 janvier, le CERESIAN a auditionné successivement des journalistes, des députés ou des blogueurs, ainsi que divers acteurs de l’Internet.
Le site de l’Assemblée nationale entre 2000 et 2011 :
En 2000 | En 2003 | En 2008 | Depuis 2010 |
Regards Citoyens est un gros utilisateur du site de l’Assemblée : nos robots consultent toutes les 4 heures plusieurs milliers de ses pages afin d’alimenter NosDeputes.fr. Nous avons également développé des fonctionnalités encore inexistantes sur le site officiel : identification de son député en un clic, moteur de recherche global, liens entre documents parlementaires, … Enfin, le site de l’Assemblée est synonyme d’une véritable fiabilité de l’information pour nous comme pour nos visiteurs, lesquels peuvent toujours se référer à la source de nos données. C’est sans doute pour ces raisons que le CERESIAN nous a convié à participer aux tables rondes. Nous nous sommes donc retrouvés jeudi dernier dans une salle de réunion face à 3 auditionneurs, sous le regard attentif de 3 administrateurs de l’Assemblée. Ce rendez-vous fut l’occasion d’exprimer à la fois notre retour d’expérience sur l’utilisation intensive de leur site, et nos souhaits pour l’amélioration pratique et démocratique de celui-ci.
Notre premier cheval de bataille, largement partagé par les internautes qui ont répondu à notre appel à suggestions : le respect des standards ouverts afin de garantir des contenus lisibles et accessibles par tous sur les équipements de leurs choix. Au programme de nos requêtes :
- la disponibilité des amendements de commission sous un format web plutôt que les pdfs habituels ;
- la disponibilité des différents calendriers de l’Assemblée (feuillles jaunes et vertes, agenda international, réunions des commissions, …) voire de l’agenda des députés eux-mêmes sous des formats iCal/vCal (suggéré également par mmu_man) ;
- l’usage de formats libres pour les vidéos (suggestion de mmu_man et sxpert1) ;
- l’abandon du flash (proposé par m3lampous) ;
- l’accès par des urls uniques à l’ensemble des éléments du site (interventions d’un député, résultats d’une recherche, …).
L’OpenData était bien évidemment au programme de nos revendications : afin d’encourager les réutilisations et de faciliter les interactions avec d’autres services de l’État comme par exemple Légifrance (comme l’a proposé graoum), l’accès intégral et exhaustif aux données relatives aux travaux de l’Assemblée sous la forme de données lisibles par les machines serait un progrès fantastique. Qu’il s’agisse des interventions, amendements, textes parlementaires, votes, questions, calendriers ou encore métadonnées de la VOD, l’accès simplifié à ces données brutes permettrait à des initiatives comme NosDeputes.fr de voir le jour beaucoup plus facilement, et ceci de façon bien plus perenne. Le développement d’une API permettrait en plus d’encourager les usages pratiques comme la création de liens entre les éléments, par exemple entre les amendements et les débats ou les textes de lois en vigueur. Permettre à la société civile de créer des innovations citoyennes à partir de ses données, n’est-ce pas une garantie forte pour ancrer durablement l’Assemblée nationale dans le monde de l’Internet ?
OpenData ou pas, il nous a semblé important de souligner qu’une éventuelle refonte du site de l’Assemblée devrait s’accompagner d’une interaction, d’une ouverture et d’une transparence renouvelées de la part de l’institution. Compléter la quasi-exhaustivité du site en y ajoutant l’ensemble des informations disponibles électroniquement, notamment sur les votes publics (l’ensemble des votants et l’usage des délégations), serait un pas fondamental vers plus de transparence démocratique. De la même façon, permettre aux visiteurs de signaler des erreurs puis les informer de la prise en compte de leurs demandes offrirait plus de visibilité aux investissements humains réalisés par l’Assemblée. Cela permettrait de faire remonter les anomalies régulières identifiées par les milliers de visiteurs du site ou par les traitements automatiques réalisés par nos robots. En ce qui concerne les études d’impact, la publication des contributions des internautes devrait être de rigueur afin d’éviter toute suspicion d’instrumentalisation de cet outil de coproduction avec les citoyens.
Après cette présentation formelle, nous avons pu nous exprimer librement sur l’ergonomie du site actuel de l’Assemblée, sur la complémentarité avec NosDeputes.fr, ainsi que sur d’autres publications institutionnelles comme LégiFrance, le Journal Officiel ou le site du Sénat. D’autres personnes auditionnées au même moment ont rappelé l’importance de permettre aux utilisateurs d’exporter le contenu, afin d’aller chercher l’audience là où elle se trouve : sur les réseaux sociaux, sur les blogs, sur leurs sites personnels ou les forums. À ce titre, nous avons souligné l’ouverture dont fait preuve l’Assemblée en autorisant de nombreux acteurs à reprendre les documents produits. Cela fut l’occasion d’exprimer notre souhait de voir levée la clause non commerciale apposée à ces données publiques, source d’une grande précarité juridique. Sa suppression garantirait une plus grande diffusion des contenus, notamment sur des sites à but non-lucratif comme Wikipedia.
Que ressortira-t-il de tout ceci ? Dans un premier temps, un rapport devrait être publié en mars 2011. Pour la suite, seul le comité CERESIAN et le bureau de l’Assemblée le savent, mais nous attendons cela avec une grande curiosité !