Alors que le projet de loi LOPPSI revient à l’Assemblée nationale mardi 14 décembre, plus de 35 organisations issues de 25 pays à travers le monde appellent au retrait de son article 30 ter. Écrite à l’initiative d’Access Info Europe et soutenue notamment par Regards Citoyens, l’Open Knowledge Foundation ou le Centre for Law and Democracy, cette lettre ouverte appelle le gouvernement et les parlementaires français à retirer l’article ajouté au Sénat par le gouvernement. Celui-ci introduit en France de dangereuses dispositions pour le libre accès aux données publiques et met en péril les mouvements naissants du journalisme de données et de l’Open Data. En soumettant à des contrôles de moralité les réutilisateurs de données sous licences, la disposition du gouvernement se montre non seulement incompatible avec le droit européen mais crée en plus de sérieuses limites à la liberté d’information en France.
Lettre ouverte en anglais au format PDF
Lettre ouverte au gouvernement et aux parlementaires français contre les contrôles de “comportement” sur la réutilisation des données publiques
Madame, Monsieur,
Les associations et organisations civiles soussignées, vous écrivent pour vous demander l’abandon des modifications de la loi sur l’accès à l’information de 1978 [1] proposées par l’article 30 ter du projet de loi LOPPSI (N° 2827 – Loi d’orientation et de programmation relative à la sécurité) [2]. Cet article autoriserait les autorités à étendre la procédure administrative de contrôle du « comportement », définie par la loi sur la sécurité de 1995 [3], aux personnes physiques ou morales désirant accéder à des informations publiques, telles que des documents ou des bases de données, en vue de les réutiliser.
À l’heure actuelle, ces contrôles de comportement sont notamment réservés à l’accès aux produits dangereux ou aux zones sécurisées. Élargir ces contrôles à ceux souhaitant simplement réutiliser les informations du secteur public est inutile et disproportionné. Cela reviendrait à considérer la réutilisation des données publiques comme une activité dangereuse. Étant donné le flou juridique autour de la notion de « comportement », laissée à l’appréciation de l’administration, cette mesure tendra à restreindre de manière arbitraire l’accès à l’information et la liberté d’expression en France.
L’article ainsi proposé causerait de sérieux dégâts au droit d’accès à l’information protégé par la loi CADA de 1978, renforcée par la directive européenne 2009/98/EC du Conseil et du Parlement Européen sur la réutilisation des informations du secteur public (PSI, 17 novembre 2003) [4].
En effet, cet article est en contradiction directe avec la directive 2003/98/EC [5], qui demande aux gouvernements d’assurer des « conditions justes, proportionnées et non-discriminatoires pour l’accès à l’information [du secteur public] ». La jurisprudence de la Cour Européenne des Droits de l’Homme a réaffirmé ces conditions en reliant le droit d’accès à l’information au droit à la liberté d’expression, droits qui ne sauraient être entravés d’aucune contrainte discriminatoire par les autorités publiques [6].
Rendre les données publiques librement accessibles pour des réutilisations larges est reconnu comme un important facteur d’innovation sociale et économique. La disponibilité de telles informations incite à une plus forte participation à la décision publique et enrichit les liens entre les citoyens et leur gouvernement. Le grand public peut ainsi enrichir les données générées par le gouvernement, par exemple en développant des applications ou des programmes qui rendent service à la société dans son ensemble.
Ces apports sont clairement reconnus par de nombreuses démocraties à travers le monde, comme l’Australie, le Danemark, les États-Unis, la Norvège, la Nouvelle-Zélande ou le Royaume-Uni, dans lesquelles les gouvernements mettent d’énormes volumes de données brutes à disposition de tous sans condition d’accès ou d’usage [7]. Si l’article proposé dans le projet de loi LOPPSI était voté et promulgué, cela freinerait sans aucune raison les progrès des initiatives françaises liées à l’ouverture des données publiques. Tel quel, il s’agirait d’un sérieux retour en arrière de la France alors même que de nombreux gouvernements européens progressent vers un meilleur accès aux informations et un engagement croissant des citoyens.
Pour toutes ces raisons, les organisations signataires de cette lettre appellent le gouvernement français et les parlementaires à supprimer l’article 30 ter de ce projet de loi.
Veuillez agréer, Madame, Monsieur, l’expression de nos sentiments respectueux,
- AFRIQUE
- AMÉRIQUE DU NORD
- Centre for Law and Democracy — Canada
- Montreal Ouvert — Canada
- AMÉRIQUE CENTRALE
- Jamaicans For Justice — Jamaique
- Instituto de Acceso a la Información Pública del Distrito Federal — Mexique
- AMÉRIQUE DU SUD
- Asociación por los Derechos Civiles — Argentine
- Fundación Ciudadano Inteligente — Chili
- Fundación Pro Acceso — Chili
- Instituto de Derecho y Economía Ambiental (IDEA) — Paraguay
- Suma Ciudadana — Pérou
- Cainfo — Uruguay
- ASIE
- EUROPE
- Access Info Europe — Europe
- La Quadrature du Net — Europe
- Open Knowledge Foundation — Europe
- Parlorama — Europe
- Statewatch Europe — Europe
- Armenian freedom of Information Center — Arménie
- More Onion — Autriche
- Access to Information Programme — Bulgarie
- Asociación Open Data de España — Espagne
- LiberTIC — France
- OWNI — France
- ReadWriteWeb France — France
- Regards Citoyens — France
- Movimento Scambio Etico — Italie
- NEXA Center for Internet & Society at Politecnico di Torino — Italie
- Informational Policy Institute — République de Moldavie
- Public Association Center for Promotion of Freedom of Expression and Access to Information — République de Moldavie
- Apador-CH (Romanian Helsinki Committee) — Roumanie
- Center for Independent Journalism — Roumanie
- Transparency International Romania — Roumanie
- Open Rights Group — Royaume-Uni
- OpenlyLocal — Royaume-Uni
- UntoldLondon — Royaume-Uni
- Tom Steinberg — Royaume-Uni (membre de la Commission gouvernementale sur la Transparence)
- Institute for Information Freedom Development — Russie
- ChangeNet — Slovaquie
- Bilgi Edinme Hakki — Turquie
[1] http://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000000339241&dateTexte=20101118
[2] http://www.assemblee-nationale.fr/13/ta-commission/r2827-a0.asp#P676_118627
[3] http://www.legifrance.gouv.fr/affichTexteArticle.do?idArticle=LEGIARTI000006527969&dateTexte=20101118
[4] http://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000000629684
[5] http://ec.europa.eu/information_society/policy/psi/docs/pdfs/directive/psi_directive_en.pdf
[6] Voir inter alia Társaság a Szabadságjogokért v. Hungary (App no 37374/05), ECHR, 14 April 2009: http://cmiskp.echr.coe.int/tkp197/view.asp?action=html&documentId=849278&portal=hbkm&source=externalbydocnumber&table=F69A27FD8FB86142BF01C1166DEA398649
[7] http://www.data.gov/datapolicy
http://www.nationalarchives.gov.uk/doc/open%2Dgovernment%2Dlicence/
[…] This post was mentioned on Twitter by jean marc manach, sid 【ツ】 , Nicolas BELLONI, Diego de La vega, J-Philippe Clément and others. J-Philippe Clément said: Currently Browsing: http://is.gd/iER34 […]
[…] Open data : la France y arrivera-t-elle ? 13 décembre 2010 No Comment Open data : la France y arrivera-t-elle ?Voilà un autre paradoxe de notre engagement numérique en France : c’est un Français, Romain Lacombe, qui vient parler à LeWeb10 en ce début de décembre, devant des représentants de plus de 60 nationalités différentes (l’un d’entre eux est devenu célèbre pour avoir dit venir de Sibérie), du mouvement d’ouverture des données publiques, en citant Tocqueville. Et c’est en France que nos élus, en majorité peu au fait des réels bouleversements de la rupture numérique en cours, et des véritables décisions qu’il faudrait prendre, élaborent un projet de loi (LOPPSI 2) qui, dans son article 30 ter, autoriserait « les autorités à étendre la procédure administrative de contrôle du « comportement », définie par la loi sur la sécurité de 1995, aux personnes physiques ou morales désirant accéder à des informations publiques, telles que des documents ou des bases de données, en vue de les réutiliser. », au point que de nombreuses associations dans le monde s’émeuvent ensemble de ce péril à venir pour le journalisme de données naissant, sans compter les atteintes au droit actuel. Réactions à lire sur Regards Citoyens. […]
quand je dis que Big Brother est en route!!!!!!!!!!!!!!
Pas de doute que se prépare en France une révolte de la jeunesse comme en ont connu les anciens pays de l’est ou les pays d’Afrique du nord en ce moment.
Tous ces sénateurs et autres députés qui ne comprennent plus rien au monde dans lequel ils vivent.