NosDéputés.fr influence-t-il le comportement des parlementaires à l’Assemblée nationale ? C’est ce qu’Alain Vidalies, ministre délégué chargé des relations avec le Parlement du nouveau gouvernement, a suggéré samedi dernier lors d’une table ronde sur la revalorisation du Parlement aux universités d’été du PS. Son cabinet nous a depuis contactés et nous rencontrerons le ministre sous une dizaine de jours afin d’en discuter de vive voix. En perpétuelle réflexion sur les innovations à apporter à nos sites pour refléter au mieux l’activité parlementaire et rapprocher les citoyens des élus, nous nous réjouissons de cette main tendue au dialogue et espérons pouvoir y trouver une volonté des nouveaux responsables politiques de concrétiser les efforts de transparence nécessaires à toute démocratie.
Nous souhaitions cependant répondre avant cela à certaines contre-vérités lues ces derniers jours sur notre travail, notamment au travers d’une interview donnée par le ministre à PCINpact mardi dernier. Il se trouve que si nous sommes des fervents promoteurs de l’OpenData, c’est aussi pour ses qualités de « fact-checking ». Nous nous sommes donc pliés à cet exercice en confrontant les critiques du ministre aux faits.
Les indicateurs quantitatifs sur NosDéputés.fr : une introduction au fond des travaux
Alain Vidalies revient à de nombreuses reprises sur l’aspect supposé purement quantitatif de notre initiative, qu’il qualifie de « compteur ». Comme nous avons eu l’occasion de l’écrire à maintes reprises, et notamment en page d’accueil et dans les questions fréquentes de NosDéputés.fr, l’ambition première de nos sites est d’établir un dialogue entre les citoyens et les parlementaires. L’approche quantitative qu’apportent les graphiques et la synthèse numérique ne constituent que des introductions à l’activité de fond du Parlement : chaque intervention en débat, amendement, question, rapport ou proposition de loi est en effet republié, à la fois sur le site et sous la forme d’alerte email ou RSS, et commentable afin de susciter un débat démocratique et citoyen sur le fond des travaux du Parlement.
Le ministre s’attarde également sur le décompte des interventions, dont nous aurions « modifié les critères pour distinguer et exclure certaines interventions ». C’est inexact : nous distinguons depuis la création du site les interventions de fond des simples invectives en identifiant les interventions de moins d’une vingtaine de mots interrompant régulièrement les débats en hémicycle. Ce critère semble avoir fait ses preuves mais il est naturellement ouvert à la discussion. Quant à l’injustice supposée pour les députés placés au fond de l’hémicycle dont les interventions ne seraient pas relevées, les habitués des débats en séance publique savent qu’en dehors des séances de questions orales télévisées, les débats rassemblent rarement plus d’une centaine de députés dans l’hémicycle. Afin de pouvoir s’entendre et préparer en groupe le débat, les députés ne s’assoient pas à leurs places officielles mais se regroupent près des micros. Pour autant, les invectives occasionnelles lancées par quelques députés restés isolés aux derniers rangs sont bel et bien consignées au Journal Officiel grâce à l’excellent travail des rédacteurs des débats.
Pas plus d’interventions en commission sous Ayrault II que sous Fillon III
Mais le principal reproche fait à NosDéputés.fr par le ministre repose sur l’hypothèse selon laquelle les députés « démultiplieraient [les] interventions répétitives », notamment en commission, dans le seul but d’apparaître comme plus actifs sur notre site. Notre initiative entraînerait ainsi un « ralentissement » des travaux. Mis-à-jour deux fois par jour depuis les premières heures de la nouvelle législature, la base de données de NosDéputés.fr permet de confronter l’hypothèse du ministre aux faits concrets. Or rien dans les données n’indique que le comportement des députés ait évolué de manière significative suite à la visibilité qu’offre notre site. Que l’on observe le nombre de mots exprimés à chaque séance de commission ou le nombre d’interventions réalisées par un député, la session extraordinaire de juillet 2012 ne se différencie nullement de celles de 2009 à 2011. Seule une inflexion significative en 2009 par rapport à 2007 et 2008 est notable, mais celle-ci, antérieure au lancement de notre initiative en septembre 2009, semblerait plutôt refléter la réforme du règlement consécutive à la modification constitutionnelle de 2008. En renforçant le poids du travail en commission, non seulement les députés s’y sont plus investis, mais les parlements ont systématisé la retranscription intégrale des réunions.
Ayant pris le temps de consulter différents acteurs et observateurs reconnus de l’Assemblée, nous avons pu nous faire confirmer ce que les données semblent démontrer. S’il y a bien des débats dans les différents groupes parlementaires sur l’impact d’une meilleure valorisation de l’activité des députés, le déroulement des débats en commission n’a pas été significativement impacté par ces préoccupations individuelles.
Les nouveaux députés plus attentifs à la visibilité de leur travail parlementaire ?
La sortie du ministre soulève en revanche un fait indéniable : NosDéputés.fr a été largement utilisé durant la campagne des législatives par différents candidats, élus ou non. Les nouveaux élus, de la majorité comme de l’opposition, arrivent donc à l’Assemblée mieux informés sur la variété de l’activité parlementaire et trouvent avec les outils offerts par internet de nouveaux vecteurs de valorisation de leur action parlementaire. Cela n’est pas sans modifier les vieilles habitudes parlementaires où la longévité jouait jusqu’à présent un rôle décisif. Peut-être est-ce le signe avant-coureur d’une forme de modernisation de l’institution ?
Au travers de ces critiques du ministre se dessine en fait probablement une frustration propre à tout exécutif. Naturellement, ce dernier souhaite faire avancer ses réformes le plus rapidement possible. Certains des nouveaux ministres ou leurs collaborateurs, anciens acteurs de l’opposition ayant excellé à ralentir le précédent exécutif, souffrent sans doute de manière plus intense, une fois dans le rôle du réformateur, du jeu de l’opposition qui refuse de voir ses anciennes réformes détricotées. Les interventions répétitives font de ce fait partie du jeu parlementaire. La position du ministre en charge des relations avec le Parlement n’est jamais aisée entre le respect d’un calendrier serré, la maîtrise d’une majorité régulièrement en demande de valorisation et une opposition souvent vindicative.
Une difficile évaluation des questions écrites
Un autre grief de Monsieur Vidalies concerne les questions écrites. Une analyse de la production annuelle sur la dernière législature indique une augmentation constante des sollicitations de l’exécutif par les parlementaires. Aucune rupture significative n’apparaît cependant depuis la naissance de NosDéputés.fr, il est donc difficile de nous en imputer la responsabilité. On peut noter que si une cinquantaine de députés n’a pas déposé plus de 10 questions en 5 ans, 23 en ont déposé plus de 1000 chacun. Le comportement marginal de ces quelques députés adeptes du « concours de questions écrites » a régulièrement été évoqué par des observateurs de la vie parlementaire bien avant que notre site existe : les nombreux classements réalisés par différents médias depuis les années 70 l’illustrent bien.
S’il est certain que l’investissement nécessaire à la production d’un rapport parlementaire au regard d’une question écrite n’est pas le même, la différenciation des critères exige certainement plus d’explications sur la nature des travaux parlementaires. Certains députés comme René Dosière, ont démontré que cet exercice mené de manière systématique et ciblée pouvait s’avérer un outil de contrôle parlementaire terriblement efficace. Notre rôle tel que nous nous le sommes défini à la création du site n’est pas d’émettre de jugement sur l’activité de tel ou tel député mais de proposer un maximum d’informations, pour que tout citoyen soit en mesure de se faire sa propre opinion sur l’activité de ses représentants et de l’exprimer directement sur notre site ou de réutiliser plus largement ces informations. L’usage des réseaux sociaux offre par exemple des opportunités pour pointer les usages abusifs ou instrumentalisés des questions écrites comme a pu le montrer par exemple cette semaine @AlexArchambault .
Un manque d’informations publiques sur le travail des rapporteurs
C’est notamment conscients de l’importance d’une prise en compte des contextes sous-jacents aux indicateurs quantitatifs que nous avions fait le choix de ne pas proposer d’index unique, toute hiérarchie « officielle » étant sujette à débat, mais d’assembler plutôt un maximum d’indicateurs fiables permettant à chacun de se faire sa propre opinion et de se plonger dans la diversité du travail parlementaire. Redistribuant par ailleurs ces données, nous laissons libre toute forme de réutilisation et éditorialisation de ces données, à l’image des différents classements réalisés par des médias. Nous sommes en conséquence tout à fait preneurs de nouveaux indicateurs factuels pour refléter encore mieux l’activité des parlementaires.
Nous tombons en parfait accord avec le ministre lorsqu’il explique qu’être « rapporteur d’un texte de loi, c’est souvent un travail absolument considérable ». Il nous semble notamment que la publication des rapports pourrait être accompagnée de plus de données sur le travail préparatoire et la rédaction de ces documents. Comme nous avons intégré les données liées aux déplacements des parlementaires pour des missions parlementaires à l’étranger, si les chambres rendaient publics, par exemple, les agendas d’auditions réalisées par les rapporteurs, nous les intégrerons évidemment au site. De même afin de refléter au mieux le travail réel des parlementaires, il serait par exemple souhaitable que ces rapports, n’étant rédigés que partiellement par les parlementaires eux-mêmes, citent les différents administrateurs qui ont participé à leur rédaction. C’est d’ailleurs une revendication qu’ils formulent depuis longtemps et qui a toujours été refusée par les instances politiques.
Vers un plus grand respect des principes de transparence ?
Nous rejoignons également la volonté du ministre de refléter plus fidèlement l’activité des députés. La constitution explicite d’ailleurs leur rôle comme celui de « voter la loi ». Il est donc surprenant que cette activité centrale souffre d’une sérieuse opacité : bien que la participation individuelle de chacun aux votes soit enregistrée par les services des deux chambres, ces informations ne sont rendues publiques que de manière partielle ou agrégée rendant leur exploitation impossible.
Nous avons demandé à plusieurs reprises à pouvoir discuter avec l’Assemblée ou le Sénat des évolutions envisageables en son sein afin d’accroître la transparence et de pouvoir enrichir nos sites. Nous nous réjouissons donc que cette polémique donne naissance à ce dialogue. Mais reste que l’indépendance du Parlement vis-à-vis de l’exécutif est essentielle, au même titre que les contre-pouvoirs qui permettent au citoyen de juger de l’activité de leurs élus. Nous espérons donc que ce futur « pôle de réflexion sur la transparence » pourra trouver écho auprès de la nouvelle présidence de l’Assemblée dont les engagements en la matière à son élection ont été affirmés de manière très claire. Le véritable enrichissement de NosDéputés.fr ne peut venir que d’une transparence et mise à disposition accrue des informations officielles des parlements, à commencer par assurer enfin la publication réelle des votes des parlementaires.
C’est toujours un peu énervant la surveillance, fut elle une surveillance citoyenne.Mais vous verrez, vous vous y ferez, et puis « Si vous n’avez rien à cacher, vous n’avez rien à craindre », n’est ce pas? 😀
il est des questions primordial qui doivent etre traitées en urgences , responsable d’une pme et très investis dans la création et la reprise d’entreprise , dans une période ou le taux de chomage est en hausse , serait il possible de posés à nos députés et nos sénateurs la question suivante :
quelle feuille de route pour cette sociétié en transformation ?
proposer un forum citoyen pourquoi pas ?
blanloeil, vous oubliez surtout la question de la qualité de notre Education, car de trop nombreux jeunes français quittent aujourd’hui le système scolaire sans même avoir acquis les bases de l’orthographe et de la grammaire de notre langue maternelle.
[…] [L'interview a été réalisée avant la polémique née des propos d'Alain Vidalies, ministre chargé des relations avec le parlement qui dénonçait "les effets pernicieux voire dangereux sur le travail parlementaire" des réseaux qui scrutent l'activité parlementaire. Lire la réponse de Regards Citoyens "Nosdéputés.fr, dangereux ? Vraiment ?"] […]