jeudi 7 janvier 2010

Après trois mois d’un agenda très chargé qui a vu l’adoption de 23 textes et près de 500 heures de débats plus ou moins consensuels, le Sénat a fini l’année la veille de Noël. Le 23 décembre au soir, la Haute-Assemblée s’est mise au repos pour deux semaines et demie de « trêve des confiseurs ». C’est du moins ce que nous croyions avant de recevoir ce mercredi une lettre du directeur de cabinet de la présidence datée du lundi 4 janvier : la réponse à notre courrier du 16 décembre. Suite au vote contesté d’un amendement ayant entraîné le rejet temporaire du projet de redécoupage électoral, nous avions en effet écrit au Président Larcher pour lui demander d’accéder aux documents qui permettraient de vérifier la conformité de ce scrutin public avec le règlement du Sénat et l’article 27 de la Constitution.

Malheureusement, au vu de la finesse de l’enveloppe, il était clair que la réponse ne contenait pas la centaine de justifications de délégations escomptée. La missive ne nous invitait d’ailleurs pas plus à consulter ces documents sur place. En se fondant sur une interprétation imprécise du règlement et d’une décision du Conseil Constitutionnel, il nous est répondu que « depuis les origines de la Ve République, il est admis que le [représentant d’un groupe] puisse voter au nom de l’ensemble de [ses] membres, en tenant compte des différentes instructions de vote ». Ce que le directeur de cabinet oublie de dire, c’est que « depuis les origines de la Ve République », les règlements des deux chambres ont beaucoup évolués : le bureau de l’Assemblée Nationale, sous la présidence de Philippe Séguin, a, par exemple, décidé en 1993, 35 ans après la promulgation de notre Constitution, d’abandonner cette pratique du vote de groupe. Convaincus de la légitimité de notre demande, nous avons donc décidé de répondre point par point aux arguments du directeur de cabinet.

Le premier argument avancé par la Présidence consiste à supposer que les notifications des délégations ne sont exigibles en application de l’article 27 de la Constitution que pour les scrutins publics à la tribune. Nous avons donc relu attentivement l’article XIV de l’Instruction générale du bureau relatif aux articles du règlement 56, régissant les scrutins publics ordinaires, 56 bis, sur les scrutins publics à la tribune, et 57, sur les délégations. On peut y lire que « Les secrétaires de séance contrôlant les scrutins publics suivant les prescriptions des articles 56, 56 bis et 57 du Règlement ne peuvent accepter de recevoir les votes par délégation pour lesquels le délégataire ne présenterait pas l’accusé de réception de la notification de délégation de vote faite au Président du Sénat ». Tous les scrutins publics sont donc bien concernés par cette règle. Il est surprenant que le cabinet du Président ignore ces dispositions alors que le Président du Sénat est le garant de leur application.

Vient ensuite l’argument portant sur la décision du Conseil Constitutionnel du 23 janvier 1987. Selon le cabinet, cette décision valide l’usage des délégations de groupe sans vérification des accusés de réception des notifications de délégation.

Nous pensons là encore que cet argument n’est pas valable. Tout d’abord, la décision du Conseil Constitutionnel portait sur la validité du scrutin de l’Assemblée Nationale du 20 décembre 1986 et non pas sur la validité des votes par groupe en général. De plus les considérants 4 et 5 que nous citons dans notre réponse sont plutôt clairs : la validité du vote de l’époque n’a pas été mise en doute par le Conseil car il n’a pas été prouvé que les parlementaires ayant délégué leur vote se seraient prononcés autrement s’ils avaient voté en séance, ni que dans ce cas le résultat du vote aurait été modifié. Lors du scrutin du 14 décembre 2009, nous sommes précisément dans le cas contraire ! Que ce soit aux compte-rendus de séances, à l’enregistrement vidéo ou de l’aveu-même du directeur de cabinet de M. Larcher, il est certain que les sénateurs du groupe UC n’auraient pas voté l’amendement communiste s’ils s’étaient exprimés personnellement comme le veut la Constitution. De plus, la répartition actuelle des sièges permettant au vote centriste de faire basculer la Haute-Assemblée à tout moment, le résultat du scrutin en aurait bien été modifié. C’est bien la raison pour laquelle la démonstration de conformité de ce scrutin nous semble essentielle à apporter. La décision du Conseil Constitutionnel ne justifie en rien le vote par groupe qui s’est effectué ce soir-là. Il nous apparait donc toujours aussi nécessaire de pouvoir consulter les délégations des sénateurs absents lors de ce scrutin.

Nous n’imaginons pas que le Sénat puisse exposer ses décisions à une si forte insécurité juridique. Nous sommes donc persuadés que les sénateurs absents ont bien informé et justifié à la présidence leur absence « exceptionnelle » comme le prévoit la constitution, même si les secrétaires de séance n’en ont peut-être pas vérifié l’entière validité au moment précis du scrutin. C’est pour lever le doute sur cette partie cruciale de la procédure que nous avons réitéré notre demande d’accès aux documents dans notre réponse. Nous espérons que le retour du Président Larcher sera aussi prompt que précédemment. Nous ne manquerons en tout cas pas de vous en informer.


2 réponses à “Sénat : la présidence, le règlement et la constitution”

  1. Mapics dit :

    Et bien je voie que le site http://www.senateur.org n’aurais pas lieu vue que ont ne peux rien savoir.

  2. tonfa dit :

    Il y a quand tout un tas de données utilisables à montrer pour les sénateurs. Mais en effet (comme à l’Assemblée Nationale), le résultat des scrutins publics ne permet pas de tirer autant d’informations qu’on le souhaiterait.

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