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Une liste des personnes auditionnées ou rencontrées n’a pas pu être trouvée dans 62% des rapports. Une empreinte législative collective transmise par les élus pour les Français est encore loin d’être mise en pratique dans l’ensemble des travaux des députés. Si l’on ne peut conclure à une volonté délibérée de cacher les acteurs entendus par les parlementaires, cela révèle néanmoins un manque de transparence, susceptible de conforter la défiance, déjà constatée en de nombreux travaux, entre les parlementaires et les citoyens. Cette recherche de transparence devrait être une évidence quotidienne dans la mesure où un mandat électif est un contrat passé entre les Français et des élus, exercé sur fonds public, pour la recherche de l’intérêt général.
Certaines conclusions de travaux ne sont pas connues, comme par exemple le rapport de la Délégation spéciale de l’Assemblée nationale chargée des groupes d’intérêts, dont ni les résultats, ni les auditions n’ont été rendus publics.
Le nombre d’organisations figurant sur le premier registre des représentants d’intérêts mis en place en octobre 2009 par l’Assemblée nationale est largement inférieur au nombre des acteurs identifiés en auditions : 124 au 2 mars 2011, un chiffre très faible par rapport aux 4 635 organisations entendues à l’Assemblée, soit moins de 3%, parmi lesquelles un grand nombre d’organisations entendues régulièrement. Ceci éclaire l’imprécision de la photographie donnée par le registre actuel.
Sur 15 447 personnes auditionnées : 3 689 femmes pour 11 758 hommes, soit 24% de femmes pour 76% d’hommes. L’Assemblée nationale n’écoute qu’un quart de femmes dans ses auditions. Pour comprendre le regard porté sur les différents enjeux débattus à l’Assemblée nationale, cette proportion est à rapprocher de celle des femmes députées qui n’est encore que de 19,4%. Rappelons que la population française compte 51,4 % de femmes et 48,6 % d’hommes. La démocratie française est encore très loin de les représenter et de leur donner la parole à la hauteur de leur présence dans la société.
On constate d’emblée une forte prédominance des acteurs publics entendus : 48,3%. L’Assemblée nationale dialogue d’abord avec l’Etat, ce qui s’explique en partie par la nature de ses missions. Cette prédominance révèle aussi le poids très important des membres de la fonction publique dans le regard porté sur les différents enjeux débattus à l’Assemblée nationale. En effet, il faut rappeler que la structure socioprofessionnelle de l’Assemblée nationale est déjà constituée à 31% de fonctionnaires et d’enseignants.
Malgré le bilan effectué par Transparence International France un an après sa mise en application, les éléments publiés dans le registre de l’Assemblée nationale ne permettent pas de montrer le poids et le rôle joué par ces acteurs de la sphère publique dans l’élaboration de la loi : début mars 2011, y figurait en effet 22 organismes publics sur 124 enregistrés, soit moins de 20 %.
La présence des conseils privés en auditions ne représente que 1,03% des citations connues. Elle n’est donc véritablement traduite ni dans le registre de l’Assemblée nationale où ils représentent seulement 7% des inscrits en mars 2011, ni dans les auditions rendues publiques. Les contacts qu’ils établissent à l’Assemblée le sont souvent au nom d’un client, sans que leur nom de cabinet ne soit nécessairement mentionné et beaucoup choisissent de ne pas s’inscrire sur le registre. Dans les résultats de cette étude, les noms des organisations classées dans la catégorie « conseils privés » peuvent être ceux des cabinets ou ceux des intérêts qu’ils représentent (clients) quand les cabinets les spécifient. Il faut relever que, dans ses premières – et seules – mesures relatives à l’encadrement du lobbying, l’Assemblée nationale n’a fournit aucune recommandation pour les 577 députés, leurs collaborateurs et les administrateurs. Le dispositif adopté en juillet 2009 ciblait principalement les lobbyistes professionnels. Si le comportement de ces derniers doit être suivi et réglementé, leur nombre est en réalité beaucoup plus faible que le nombre des acteurs « destinataires » du lobbying pour lesquels aucun cadre n’a été formulé.
L’influence des acteurs semble être très fortement conduite de manière indirecte , à travers des regroupements d’intérêts, comme en témoigne la place très importante prise par les organisations collectives qui les représentent sous différentes formes : syndicats, associations professionnelles, chambres consulaires, associations d’élus... Il s’agit du 2ème groupe d’acteurs le plus entendu en audition avec près de 21% des acteurs auditionnés.
Nombre de ces organisations pourraient être ajouté :
Si l’on additionne les entreprises (8,6%), les associations d’entreprises (7,8%) et les conseils privés qui représentent le plus souvent des entreprises (1,03%), le secteur économique privé s’élève à 17,43% des acteurs auditionnés. En y ajoutant les entreprises publiques qui défendent également des intérêts économiques (2,9%), on arrive à une part d’entreprises publiques et privées de 20,33%. Une étude plus approfondie des données permettrait par ailleurs d’y ajouter certaines associations professionnelles.
Comparées à la proportion d’autres organisations de la société civile (associations à but non lucratif et fondations) auditionnées pour 7,5%, les positions des entreprises semblent être plus entendues par les parlementaires.
Il convient de rappeler que la France compte 1,1 million d’associations en activité, 5% d’entre elles, soit 55 000, agissent dans un périmètre national. Elles représentent 1,9 millions de salariés, soit environ 8 % de l’emploi en France. Leur poids économique croît régulièrement parallèlement au nombre d’associations.
Les entreprises sont représentées par elles-mêmes et au sein d’associations d’entreprises, à parts presque égales. Ce constat renforce l’idée que, pour être plus transparentes dans leurs déclarations sur leurs pratiques de lobbying, les entreprises doivent rendre compte de leur appartenance à ces organisations ainsi qu’à certaines organisations professionnelles et les budgets qu’elles y consacrent.
Le total des hommes et femmes politiques, qu’ils soient élus (4,3%), membres des exécutifs (locaux, nationaux ou étrangers ; 5,8%) ou membres d’organisations d’élus (1,5%), représentent 11,6% des acteurs auditionnés. Parmi eux, les parlementaires (nationaux ou européens) sont les acteurs les plus entendus. Dans le travail parlementaire, les échanges entre élus jouent donc un rôle conséquent.
La quasi absence de certains acteurs (lobbyistes, think-tanks, etc...) dans les résultats repérables de cette étude, mais qui effectuent pourtant un réel travail de lobbying à l’Assemblée nationale, montre que le travail d’influence est loin de s’exercer uniquement dans le cadre d’auditions officielles. Si l’empreinte législative collective peut être largement améliorée, l’empreinte individuelle doit l’être aussi : les fiches individuelles des députés devraient rendre compte de l’activité de chaque parlementaire et notamment de la liste des personnes qu’ils rencontrent que ce soit, ou non, dans le cadre d’auditions officielles.
Pour appréhender plus précisément le lobbying en France, un travail identique devrait être fait sur les rapports publics du Sénat. Il devrait aussi être complété par la documentation des actions d’influence menées auprès des cabinets ministériels, de la haute administration, des instances d’expertise, etc. Transparence International France et Regards citoyens invitent dès lors ces différentes instances à rendre publiques elles-mêmes les informations sur les acteurs auditionnés afin de faciliter la compréhension, par les Français, du fonctionnement de leurs institutions.
La méthode choisie permet de rendre accessibles et lisibles des données publiques difficilement exploitables. Elle est évolutive car elle permettra, avec le concours des citoyens internautes, d’affiner collectivement et progressivement les données.